Nous avons rencontré Jacques Berdala, Directeur des opérations German Corridor et Responsable des nouveaux projets très haute tension (THT) Gron et Montereau et Groupe.

Prysmian Group a obtenu le chantier du German Corridor. Cela représente 50% de la fourniture des câbles, soit 2500 kilomètres. Pouvez-vous nous redonner le contexte du projet German Corridor ? 

En Allemagne, le gouvernement souhaite réduire progressivement le nombre de centrales à charbon et leur objectif, dans les 30 prochaines années, est de les fermer en totalité. La consommation d’énergie se trouve essentiellement dans le sud de l’Allemagne, qui est très industrialisé. L’objectif est donc de produire de nouvelles sources d’énergie dîtes « propres », notamment des éoliennes, dans le nord de l’Allemagne. Pour amener l’énergie produite dans le nord vers le sud, le projet du German Corridor a donc été lancé, soit la production d’environ 5000 kilomètres de câbles. Prysmian Group a obtenu la production de la moitié, soit 2400 kilomètres. Nous avons récemment obtenu une commande complémentaire de 550 kilomètres.

 

Le câble P-Laser a été choisi pour alimenter en partie le projet du German Corridor. Quel était le cahier des charges d’origine ?

Le cahier des charges était le suivant : les donneurs d’ordres (Tennet, Transet et Amprion) demandaient un câble de section 3000mm², permettant le transport à 525kV, et devant fonctionner en courant continu afin de transporter une énergie sur une grande distance avec un minimum de perte. Les autres prestataires ont tous proposé des solutions avec un isolant conventionnel en polyéthylène réticulé (XLPE). Une technologie qui a fait ses preuves car elle peut aller jusqu’à 320kV en courant continu et 400kV en courant alternatif. Il fallait donc proposer un niveau de performance plus élevé.

 

Nous avons présenté une offre avec deux technologies possibles :

  • La première est une technologie avec une isolation autour du conducteur en polyéthylène réticulé (XLPE). C’est un produit qui est utilisé dans la câblerie, comme isolant, depuis plus de 50 ans déjà mais jamais à de tels niveaux de tension, ce qui a nécessité des développements pour arriver au niveau de performance demandé pour ce projet. La particularité de ce produit est qu’il a de très bonnes caractéristiques électriques et mécaniques mais ne peut pas être reconditionné. A l’inverse d’un produit thermoplastique, qui lui peut être refondu pour être réutilisé.
  • L’autre technologie, proposée par Prysmian pour la première fois pour la Haute Tension, est le P-Laser, un câble à isolation thermoplastique. D’après nous, c’est celle qui correspondait le mieux en termes de performance électrique et d’attente en matière d’impact environnemental. Pourquoi ? Car les câbles de technologie P-Laser sont des produits recyclables, qui respectent l’environnement. Ils sont en totalité récupérables à la fin de leur service, que ce soit la partie métaux (cuivre et aluminium) ou bien la partie polymère qui est en thermoplastique et donc transformable à l’infini.

De plus, les process mis en œuvre pour la fabrication des câbles de cette technologie sont moins énergivores que les process utilisés pour les câbles de technologie traditionnelle. Ces câbles étant destinés à la transition énergétique de l’Allemagne, il est bienvenu que leur impact carbone soit le plus faible possible.

C’est une technologie que le groupe Prysmian développe déjà depuis une quinzaine d’années, mais qui a été proposé initialement pour des câbles moyenne tension. Nous avons donc fait un saut technologique en termes de performance. En 2015, nous avons commencé à avoir de bons résultats sur des prototypes haute tension puis entre 2016-2017, nous avons commencé à développer des solutions pour la très haute tension. Ce qui nous a permis de proposer notre produit pour le projet German Corridor.

 

Le câble P-Laser est construit à partir de matériaux thermoplastiques et il est totalement respectueux de l’environnement. Pouvez-vous nous expliquer comment la technologie du câble P-Laser contribue à la réduction de son impact sur l’environnement ?

Pour la technologie P-Laser, on n’utilise pas de péroxyde comme pour le XLPE, c’est un polymère thermoplastique à haut niveau de tenue mécanique qui n’a pas besoin d’être réticulé pour pouvoir fonctionner à des températures de 70-90°C. Le câble P-Laser, n’étant pas réticulé, pourra être transformé en d’autres produits. Ce procédé est beaucoup plus écologique.

De plus, si on veut rentrer dans le détail, en réticulant un produit (un XLPE par exemple), on utilise du péroxyde pour relier les chaînes entre elles. Cependant, le péroxyde génère des produits de décomposition, en particulier du méthane. Pour éliminer le méthane, qui électriquement abaisse le niveau de qualité de l’isolant, on le met dans des boxes à haute température, pendant des semaines et cela permet d’extraire le méthane.

Le P-Laser n’a pas de processus de dégazage, puisqu’on n’introduit pas de péroxyde, donc il n’y a pas de processus de décomposition, donc pas de méthane. La production de ce câble est donc beaucoup moins énergivore et plus respectueuse de l’environnement.

Autre point très important, l’ensemble du transport de toute la commande du German Corridor, soit 3000 kilomètres, est transporté sur barge. La planification est quant à elle beaucoup plus stricte et les délais de transport sont plus longs. Même si cela nous oblige à avoir une qualité et un contrôle de production, de l’expédition et de la livraison, qui nécessitent plus de rigueur, en comparaison à un transport routier, nous sommes dans une logique plus vertueuse.

 

Le câble est principalement fabriqué sur les sites de Gron et Montereau-Fault-Yonne et va garantir la création de plus de 100 postes entre 2021 et 2026. Quels sont les investissements que cela représente ? 

L’ensemble des câbles pour le German Corridor est produit en France. Cela montre que nous sommes à la pointe de l’innovation et de la technologie dans le domaine du câble très haute tension. En particulier sur le site Gron, puisqu’il est le centre d’excellence de la haute et très haute tension du groupe Prysmian, depuis une vingtaine d’année. Dans le Groupe, le développement des nouveaux produits et des nouvelles technologies ont lieu à Gron.

Sur les 3000 kms de câble à fournir pour le German Corridor, un tiers sont produits à Montereau et deux tiers sur le site de Gron. La partie câbles XLPE réticulés est produite à Montereau depuis 2021. Pour que le site de Montereau puisse assurer la production de ces câbles, nous avons fait des investissements importants, notamment financés par le plan France Relance. Gron, qui produit toute la partie P-Laser, a quant à lui, commencé la production en 2021.

Pour le chantier du German Corridor, nous fabriquons ce qu’on appelle également des « grandes longueurs », c’est-à-dire des longueurs de câbles qui dépassent les 2 kilomètres. Il y a une quinzaine d’années, nous aurions produit ces câbles en 700-800 mètres. Nous avons fait un saut technologique pour passer sur des « grandes longueurs ». Les longueurs individuelles demandées sont entre 1400 et 2000 mètres. Ce qui implique la fabrication de tourets très grands et très lourds, qui pèsent avec le câble près de 100 tonnes. Nous avions une problématique en Allemagne qui nous imposait de ne pas avoir des tourets de plus de 4m20 de hauteur. Et pour mettre 2 kilomètres de câble sur un touret avec cette contrainte, il faut qu’il soit beaucoup plus long : nous avons donc construit des tourets de 11 à 12 mètres de large. Nous avons fait des investissements pour gérer de telles dimensions et de tels poids.

 

En termes de ressources humaines, qu’est-ce que cela représente ?

Nous avons eu besoin de nouvelles ressources sur les 2 sites. Nous avons donc embauché une cinquantaine de personnes de production (opérateurs de ligne, techniciens process) et des personnes de staff (ingénieurs process, planificateurs, ingénieurs qualité) entre 2020 et 2022. Nous avions également besoin de personnel supplémentaire afin de gérer cette nouvelle logistique et en particulier les nouveaux tourets de très grande capacité et le transport fluvial.

De plus, un investissement significatif sur Gron pour la production de P-Laser pour de futures commandes a été décidé récemment par le Board des actionnaires : 60 millions d’euros et, à la clé, l’embauche de 74 personnes qui se répartit ainsi : 9 personnes dans les structures et 65 autres personnes dans les ateliers de production, prévue entre 2023 et 2024.

 

Si vous souhaitez nous rejoindre pour cette belle aventure, c’est ici : site carrière